Atlas d’Iomadach - La communauté Ihhm

Pour mieux s’y repérer dans l’Atlas d’Iomadach, il est possible de consulter le lexique en parallèle de la lecture.

C’était toujours la même histoire, lorsqu’ils revenaient de l’excursion ils retrouvaient tout le village, sur la place centrale, la nervosité était palpable. Ils partaient en général pour une bonne semaine, un petit groupe de cinq, marchant loin vers l’une des Directions pour aller trouver de quoi manger et échanger avec les tribus qui y avaient élu refuge.

Tous étaient des pisteurs aguerris, tous aimaient ces temps dans l’année où ils lâchaient le groupe pour tenter de ramener une nouveauté, quelque chose que la tribu n’avait jamais vu, que les enfants vénèreraient de leurs yeux de la jeunesse si purs. Une graine servant le cercle, un bois d’ornement pour la grande salle.
Tous, dans ce groupe de cinq, tous appréciaient à la fois le départ, la traque, puis le retour, synonyme de retrouvailles heureuses avec leur cercle proche, leur cabane, leurs champs.

Alors qu’ils entrevoyaient dorénavant le village au loin, l’un d’eux ouvrit le sac qu’il avait en bandoulière.

« Cette fois, les marmots vont être ravis des pierres que nous avons ramenées, regardez-moi ces couleurs les gars. Ils vont s’en faire de belles aventures, des histoires dignes des plus grands pisteurs.
- Je pense même que je vais me laisser tenter à quelques parties de jeu avec eux, répondit Toknult les yeux pleins de malices, j’ai quelques idées de jeux pour leur apprendre les rudiments de l’arithmétique. C’est fou que nous soyons tombés sur ce gisement à côté de la grotte de la hulotte, je crois bien que nous sommes pourtant déjà passés des dizaines de fois à côté, nos sens de pisteurs affutés comme jamais sans pour autant remarquer que cela détonnait de couleur dans les taillis.
- Jamais nous ne les avons vus auparavant, sûr qu’il s’agit là d’un éboulement récent, la terre est une entité en perpétuelle évolution, les falaises sont friables au-dessus, elles ont dû céder avec la sècheresse du temps dernier. »

Tous marchaient alors beaucoup plus rapidement au fur et à mesure que les lointains points à l’horizon se transformaient en toits de chaume. Le village était le seul connu dans la vallée d’Asulr, il était situé sur le versant Ouest, face au pic des Monolr.
Vu du ciel le village faisait penser à une fleur, les pétales étaient formés de maisons collectives en bordure extérieur, les zones d’éducations diverses et de paroles à mi-chemin vers le centre puis les ateliers et manufactures arrivaient ensuite, avant de laisser place en son centre à la grande esplanade, l’agora.

Ils arrivèrent aux abords du village à la nuit tombée, leurs estomacs amaigris par le voyage allaient pouvoir se remplir à nouveau, jusqu’à l’excès même.
Toknult imaginait déjà les carottes que la tribu avait préparées pour le festin, les carottes qu’il cultivait avec son cercle proche dans le champ tout proche de sa masure. Il aimait se lever le matin et, après avoir ouvert les volets de la chambre à coucher, observer pendant de longues minutes les premières lueurs du soleil sur les fanes, les coccinelles volant de feuilles en feuilles, les oiseaux babillant et fondant l’air pour aller se repaitre d’un petit insecte au sol, d’une délicieuse limace au début du printemps, lorsque la rosée y est forte.

En arrivant ils tombèrent des nues, pas un seul membre de la tribu, ni même un seul marmot ne les attendaient sur la place centrale. Personne n’était dehors. Un sentiment d’effroi les envahit instantanément, serait-ce arrivé un malheur ?
Cette douloureuse sensation ne dura qu’une fraction de secondes, car tous remarquèrent la lueur sous le grand voile d’ombrage de l’agora, haut lieux de palabre du village, et les blablas qui résonnaient là-bas. Leur entrée dans la grande salle ne suscita toujours aucune attention, toute la tribu avait l’attention focalisée sur le centre de la salle, on pouvait ressentir l’électricité statique ambiante, cette force, mélange de tension et d’excitation.

Au centre se trouvait un petit individu bien loufoque. Affublé d’un pantalon tout droit et qui semblait léger comme l’air et doux comme de la soie, il portait un haut avec des petits boutons qui descendaient de son cou à son bas-ventre. Il dégageait des senteurs par dizaines, on y retrouvait des parfums de fleurs, un soupçon de forêt, des senteurs inconnues et même une odeur de sable chaud comme celle que Toknult avait ramené une fois d’un périple vers l’Ouest, en direction de la grande mer.

L’homme au centre parlait sans s’interrompre:

« … Et avec la puissance que vous développerez avec cette machine, ce serait l’été en permanence chez vous. Plus besoin de sortir dehors de tout l’hiver, il vous suffirait juste d’appuyer sur l’allumage du thermostat ambiant pour que votre chauffage se lance et se gère tout seul.
De plus, et permettez-moi de vous dire messieurs, mesdames, qu’il est également possible d’avoir la chose inverse pour l’été. La maison serait fraiche et vous pourriez en profiter toute la journée. C’est ce que nous avons de plus perfectionné en Haut Kav et la population ne s’en porte que mieux. Il faut voir le confort que cela apporte et les possibilités que cela offre sur la gestion du temps et l’optimisation de la productivité. »

Des rires jaillissaient de l’audience à chaque fins de monologues, l’homme en profitait pour s’éponger le front, redresser ses lunettes sur son nez et repartait de plus belle dans une nouvelle diatribe.

« Oui, oui messieurs, mesdames, nous avons tant de choses que vous ne possédez pas et qui pourtant permettent à la société de pleinement vivre et non survivre comme vous le faites. Je ne vous ai pas encore montré ce qu’on peut obtenir par le travail à la chaine, par l’ingénierie, par le croisement de plusieurs graines et le traitement chimiques de ses dernières. Je ne vous parle même pas des vacances que notre communauté peut s’offrir sur une autre planète ou encore des festivités que sont les fêtes du progrès. »

Toktult monta sur une chaise, s’éclaircit la voix puis commença:

« Salut à vous cercle, salut à toi cher gravité. Nous sommes rentrés du périple et voici ce que nous avons trouvé. Des pierres obsidiennes riches en nuances de couleurs, des bais d’un gout sucré à en ravir nos festins. Quelques petits cokcok pour l’élevage et les repas.
Les cercles voisins vous passent à tous salutation, le cercle de la longue rive aimerait également revoir Manilt et son petit. Ils aimeraient la remercier après les efforts qu’elle a faits pour soigner leur doyen malgré l’arrivée imminente d’un Maniltbra en ce monde. Le cercle du domaine des pierres n’est plus. À notre arrivée nous avons retrouvé qu’un village vide. La terre est sèche et se craquelle de partout. Nous les avons retrouvés proche de la pointe des aigles et nous y avons passé une nuit afin de recueillir leurs avancées et d’échanger les nôtres.
Et puis nous avons repris le chemin du retour et nous voilà devant vous, cher cercle. Bonne nuit.

Le cercle tout entier fit un bref mouvement en une synchronisation absolument parfaite, tous partirent par les différentes portes de la grande salle et en une poignée de secondes, il ne restait alors plus que le petit homme au drôle d’accoutrement. Il sortit à son tour de la grande salle, plus personnes dans les allées du village. La nuit tombée il voulut se trouver un endroit pour dormir, un enfant s’approcha de lui, un cheval par les rennes. Il le transmit au petit homme avec ce message:

L’homme stupéfait, ne trouva rien à dire, sa bouche muette pour la toute première fois de la journée. Il enfourcha le cheval, l’enfant lui indiqua une direction et il partit.

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