Ping Musical: Riverside - Love, Fear and the Time Machine

Forcément le Quah, toujours ce fameux Ka (bien souvent mal orthographié) d’ailleurs.

Le monsieur Jorma j’en ai déjà entendu parler, notamment avec Hot Tuna, groupe à écouter délicieusement lorsque les feuilles, rougies par le temps, tombent des arbres. Délicatement emportées par un furvent naissant.

Encore une fois je fus conquis par cette écoute. Du blues, du vrai, celui que j’aime. Sans artifices, surenchères de solos - parfois inutilement placés - et de voix sentant l’Amérique testostéronée. Non ici c’est du vrai, du pur, le gars Jorma compose ses morceaux avec passion et touche le coeur sans détours.

Ça sent bon l’herbe fraîchement coupée, le feu de bois faisant virevolter les odeurs de viandes grillées. C’est du bon je vous dis. Comme le dit le monsieur à trois lettres, le gars Jorma sait jouer, à ce niveau là ce n’est même plus cela, c’est de l’art. La délicatesse du jeu est magnifique, les accélérations, variations de volumes, choix de techniques sont sublimement amenés. On est ici sur un très, très, très bon guitariste.

Les morceaux s’enchaînent et je ne vois pas le temps passer. Le blues a cela de shamanique : il amène joie et tristesse séparément, les mélange, les extrait pour ensuite les ré-assembler. On sent que le coeur des hommes n’est pas aussi dichotomique que cela.

Bon c’est pas tout mais le gars jnb m’a encore donné du fil à retordre. Que choisir ? Ma première intuition partait sur Donavon Frankenreiter, un Australien faisant de la folk teintée de surf. Ça met la banane, assurément.

Ouais mais quand même la voix du gars Jorma, effectivement ça dégage quelque chose, ça travaille les mots d’une façon bien singulière. Et puis il y a ce savoureux mélange aigre-doux de bonheur et désespoir. Alors ? Alors ?

Alors ce sera Riverside avec l’album Love, Fear and the Time Machine. J’ai fait la connaissance du groupe il y a maintenant presque quinze ans. Pour l’anecdote l’internet chez les parents était encore en 512k, il fallait passer par un logiciel wanadoo pour se connecter, ou alors bidouiller le modem/routeur mais ça… À l’époque il y avait le majestueux emule (qui vient de recevoir une mise à jour après des années de silence). C’était l’époque ou Last.FM était encore plus que chouette avec son lecteur/radio permettant d’écouter des artistes similaires. L’époque où la bzse virale d’Avast te faisait bien sentir qu’elle s’était mise à jour comle une grznde. C’était aussi l’époque de la découverte de Morow, radio internet de musique progressive, navigant encore à l’heure actuelle sur les sentiers sinueux d’un web pollué par la centralisation et la normalisation.

Riverside donc, groupe polonais arrivé sur la scène rock/métal prog avec l’album Out of Myself, c’était saturé et calme à la fois, avec une voix envoûtante. Et puis le groupe a grandi et en 2015 nous offre la pépite Love, Fear and the Time Machine.

Je ne saurais l’expliquer mais j’affectionne tout particulièrement les débuts de phrasés du chanteur. Mariusz Duda a vraiment quelque chose, et il l’a bien compris puisque qu’il joue davantage avec sa voix que sur les premiers albums du groupe. On ressent la passion pour la musique dans sa voix et cela vient faire vibrer quelque chose en moi.

Jnb parlait de gospel, je vous renvoie alors vers le morceau éponyme de l’album Shrine of New Generation Slaves, l’album précédent. Une entrée en matière plus que plaisante.

Arrivé en 2003 sur la scène prog, le groupe fascine dès son premier album, avec un métal prog typique de l’Europe de l’Est, enchaînant les montées et les solos. En revanche le groupe pousse un peu plus la machine que les autres et on arrive souvent à un niveau de montée tel que l’explosion se fait ressentir, les guitares sont incisives et la voix quant à elle s’énerve un peu plus.

Grosse étoile du métal prog du vingt-et-unième siècle, Riverside amorce alors ce tournant plus calme dès 2013. Je crois qu’on appelle cela de la sagesse. Le groupe fait redescendre la saturation et travaille sur un son plus global, envoûtant.

L’album démarre sur la délicate combinaison d’une nappe de synthé et la voix suave de Duda, une guitare légèrement saturée vient se greffer au mélange déjà magnifique. Le soleil se lève doucement, l’odeur de café emplit mes narines alors que je contemple les champs et au loin, le bruissement des arbres, délicatement bercés par un Zéfirine tout en légèreté.

Under the Pillow m’envoie directement chez nos amis de la bannière étoilée, ça sent la bière chaude, la clope et ce qu’il faut de sueur.

#Addicted vient distiller sa touche de pop sagement dosée. Le morceau est un petit délice, la voix est encore une fois magnifique, oscillant entre mélancolie, tristesse, semblant même contemplative par moment. Un instrument à part entière.

Saturate Me et son riff d’intro rappelle les grands noms du prog moderne, c’est beau, tout en retenu et terriblement efficace.

Discard your Fear fascine avec ses lignes de basses absolument somptueuses, un trésor à découvrir et redécouvrir. Duda sonne ici comme Åkerfeldt d’Opeth.

Towards the Blue Horizon me fait instinctivement penser à un grand monsieur du prog, Steven Wilson. Le morceau se forme tout au long des 8 minutes. On sent la montée en puissance s’échafauder tranquillement pour nous offrir un final basé sur un riff de guitare où la structure vient se lover autour, s’adapter à la morphologie rigide du riff.

Le voyage se referme avec Found. Morceau taillé pour un plus large public, instinctivement il me fait penser à Behind Blue Eyes interprété par The Who, allez savoir pourquoi.

Avec cet album, Riverside s’épanouit pleinement, libère ses ailes et part dans des contrées magnifiques. Après l’écoute, il est possible que vous trouviez le monde un peu moins moche, pendant un moment du moins. Rassurez-vous, cela est tout à fait normal. La musique a fait son effet, et si l’envie vous prend, refaite vous un shoot, ça ne peut que vous faire du bien.

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