Pong Musical – Genesis – Foxtrot ou Selling England By The Pound ?

Des choeurs, une production léchée, des violons sautillants, un basson, des pizzicati, des cuivres, des petites percus genre castagnettes, des rythmes bien complexes, des mélodies accrocheuses, des flûtes, des guitares crunchy, jouées en étouffant les cordes du poignet (désolé, ça doit bien avoir un nom cette technique, le Furventesque doit bien savoir ça lui…), des guitares éthérées, bon ça commence fort cet ActIV !!! Et c’est comme ça tout au long de l’album. Mention spéciale à The Line, qui met de l’humidité dans les yeux (ça je sais comment ça s’appelle, mais je trouve plus poétique de parler d’humidité plutôt que de…non je ne le dirai pas..).

Hier a explosé dans mes neurones une phrase bizarre : « Quand je serai mort, la musique va me manquer. » Je ne suis pas allé réfléchir trop longtemps à tout ce que cette phrase pouvait soulever. Je suis retourné à l'écoute de cet act IV. J'en était à A Night On The Town, c'est à dire que j'avais déjà quelques délices musicaux dans le centre du plaisir, que j'avais atteint un niveau d'imprégnation musical tel que toutes les parties de  mon cerveau disponibles étaient dédiées à l'écoute et la dégustation , plus rien n'existait autour, j'étais à l’intérieur de la musique, et p***** que c'était bon !!!

Alors que répondre à tout ce déferlement de sons, de notes, d'endorphines ? Je vous passe tout le cheminement qui m'a emmené vers ces deux albums, mais c'est parti de la seconde minute de Rebirth.
 Selling England By The Pound ? Foxtrot ? Comment choisir ? Sachant que choisir c'est éliminer.. Très peu pour moi. Jamais su faire ça, moi. Sauf en politique où parfois il faut savoir éliminer. Même si c'est en se bouchant le nez... Mais là on se bouche pas le nez. Parce que si vous faites vraiment attention, vous vous rendrez compte que votre rythme cardiaque s'apaisera malgré les trois cafés que vous venez d'ingurgiter il y a à peine une heure, et alors vos inspirations se feront plus profondes, un sourire béat, ou idiot, et je fais la différence car je suis bien conscient que j’appartiens à la seconde catégorie, et là, si vous êtes en train de vous boucher le nez, ce qui en soi relève d'une attitude qui frôle le ridicule en écoutant de la musique, bref inspirer profondément par la bouche ne produit pas du tout le même effet que par le nez. Inspirer fortement par la bouche ressemble plutôt à un examen médical alors que par le nez... et bien c'est pas du tout pareil. 

Donc : Foxtrot ou Selling England By The Pound ? Lequel ai-je le plus écouté ? Sans doute Selling England, d’accord : Mais pour quelle raison ? Et bien parce que je viens d’une autre époque. Que je vous raconte. J’aime bien raconter. Et même si tout n’est pas toujours rigoureusement exact, c’est quand même une partie de moi que je vous livre. Une partie de ce qui vit en moi, une partie de ce que ma mémoire a engrangé au fil tu temps. Et à l’époque étrange où la découverte du vaste monde se résumait pour moi à des virées en Peugeot 103 propulsé par un mélange d’huile et d’essence que tu trouvais dans d’étranges machines où, après avoir introduit une pièce dans la fente, il fallait actionner un levier pour pomper (d’où le nom pompe à essence, ah que c’est beau la vie quand tout s’explique…) le précieux mélange, bref la découverte du vaste monde se résumait à des virées en 103 à la recherche du continent féminin, ce pays de cocagne et de félicités, et, surtout, donc, la découverte musicale. Bref, la glorieuse époque du vinyle. L’époque où une angoisse apparaissait après tout achat d’un disque : y aura-t-il beaucoup de craquements ? Et Foxtrot craquait. Beaucoup. Beaucoup trop. Inécoutable. Et il a fallu batailler beaucoup pour l’échanger ! Et j’en ai obtenu un autre. Qui craquait. Moins, peut-être mais il craquait quand même beaucoup plus que la moyenne. Bon, comparé à d’autres catastrophes mondiales, ce n’était pas grand chose. Mais pour moi c’était un drame. Et à ce moment je ressentais un abattement m’écraser, la sensation d’avoir été floué, d’avoir été privé d’une écoute de qualité. Moi, je n’entendais que les craquements… Mais je l’écoutais quand même parce que Foxtrot est un foutu bon album. Toujours avec le sentiment que le monde est injuste, que je ne méritais aucunement pareil traitement de la part des puissances supérieures.

Selling England commence avec Peter Gabriel, a cappela, qui nous demande : Can you tell me where my country lies ? Alors que la production de Foxtrot semble terminer une ère, celle de Selling England semble en ouvrir une autre : les instruments ont une clarté et une puissance qui n’existait pas dans Foxtrot, les sons sont travaillés, nouveaux. Une année d’écart seulement…
Après le sympathique et gentillet I Know What I Like, arrive le classique Firth Of Fifth : intro au piano célèbre, construction du morceau complexe, avec un enchaînement de parties où les instruments se déchaînent, et d’autres où le calme d’une flûte traversière vous scotche, où une partie de guitare vous transporte d’une rive à une autre. More Fool Me est un autre sympathique et gentillet morceau qui vous dépose au sommet d’une colline d’où vous assistez à l’arrivée d’une armée qui va se livrer à une bataille dans la forêt d’Epping. Nouveau morceau sympathique et gentillet, avant le plus consistant The Cinema Show. L’album se termine avec une reprise du thème développé dans le morceau d’ouverture.

Oui mais Foxtrot, dès la première seconde, vous cueille avec des accords dignes de l’entrée d’un roi dans une cathédrale. Sous les accords vient s’insérer une petite polyrythmie bien sympathique. Pour ne pas oublier la qualité des musiciens… Ce que confirme Time Table. Autour du piano, se construit un morceau mélodieux comme on les aime, mais loin d’être racoleur ou sans intérêt. Get ‘Em Out By Friday nous raconte une bien belle histoire avec un enchaînement de grands plaisirs musicaux construit autour d’un thème soutenu par les claviers, comme bien souvent dans tout l’album. Can Utility And The Coastliners est un autre exemple de ces morceaux complexes, à l’architecture flamboyante, pleine de dentelles et de colonnades bien solides qui s’élancent vers les cieux pour nous faire toucher du doigt ce à quoi peut bien ressembler le paradis musical. Et ça fonctionne. Pour moi. Et, j’en suis persuadé, pour vous aussi. Horizons est une petite pièce musicale à la guitare qui allie la simplicité et l’élégance. Et l’album se termine avec Supper’s Ready. Je renonce à parler de ce morceau, si ce n’est pour dire qu’il me laisse sans mots. C’est pas peu dire… Sauf que les montées des claviers vous emmènent tout en haut de la montagne, là où l’air est rare mais d’une pureté infinie.

Alors Foxtrot ou Selling England ? Pas facile à faire comme choix… Il faut écouter, encore et encore. Et puis encore une fois. Après réflexion, moi c’est sans doute Foxtrot. Mais sans les craquements… Au CD, donc.

Bonne écoute.

Liens entrants: