Pong musical: James Grant And The Hallelujah Strings

Comme souvent il a raison, le roi de la plomberie et de la serrurerie : il y a les douleurs superficielles qui ne résistent pas à un bon rock bien simple, en 4/4, de préférence avec un chanteur qui ne ménage ni ses efforts ni ses effets, une batterie carrée (pourquoi les fûts sont-ils toujours ronds ? Dans les années 70 on a eu droit à des batteries dont les fûts étaient transparents, même courbes, comme dans le livret ou la pochette intérieure, je ne sais plus, mais plutôt le livret de « Running On Empty » du grand Jackson Browne, livret où on le voit avec un T-Shirt Nasby and Crosh, ah ah ah, il y a aussi le remarquable Leland Sklar, et si vous voyez pas le jeune homme, imaginez l’antithèse de Tony Levin au niveau capillaire et à peu près le même niveau dans le maniement de la basse… mais pour en revenir à l’aspect d’une batterie, moi je dis que ça aurait de la gueule une batterie avec des fûts carrés…), bref un chanteur puissant, une batterie carrée, une basse bien ronde, et des guitares branchées en direct sur un ampli à lampes bien chaud, voilà ce qui dissipe, voire explose les douleurs superficielles en les dissolvant.

Attention, écouter régulièrement AC/DC ou Status Quo ne veut pas dire qu’on est régulièrement en train de souffrir ( Vous me faites souffrir quand vous écrivez Soufre avec deux F, Mme Baudouin, prof de chimie qui ressemblait à la reine d’angleterre en première et en term, lycée Jean Moulin…). On peut aussi les écouter quand on est particulièrement joyeux.

Mais pour la douleur qui serre dans le ventre, derrière l’estomac, celle qui isole, qui se vit seul(e), celle qui vous suit dans chaque pièce de la maison, à l’extérieur comme à l’intérieur, dans la voiture comme dans la douche, pour cette douleur il vous faut du spécifique.

« Hurt », avec sa guitare toute simple, le piano bien discret, les cordes juste ce qu’il faut, la voix profonde comme un gouffre sans fond, pénètre en vous jusqu’au lieu ou se tapit votre mal être, et en le partageant avec vous vous accompagne sur le chemin de la guérison. Qui peut mieux que cette chanson partager votre douleur ? La prendre par la main et l’emmener sur un autre chemin, vous dire que vous n’êtes pas seul, que vous faîtes partie d’un monde où la douleur n’est pas qu’une simple égratignure comme le dit le chevelu, qu’elle peut être bien plus profonde que cela, qu’elle vous emmène parfois dans des couloirs qui aboutissent à des pièces bien sombres, mais qu’elle révèle aussi en vous des capacités que vous ne connaissiez pas, et qu’après avoir vu la noirceur les couleurs qui nous entourent sont encore plus vives et chatoyantes . Ouaip, je suis d’accord, « Hurt » est parfaite pour faire ce chemin…

La voix de Kristoffer Gildenlow est tout indiquée aussi pour apaiser la douleur. Pain Of Savation n’était peut-être pas qu’un nom sans signification pour lui… Les sonorités orientales avec une basse continue préparent le terrain, les arpèges cristallins , les nappes de synthé en arrière plan, tout est là pour vous aider à fermer les yeux et à laisser la musique pénétrer en vous, se répandre dans tout le corps… Et cette voix bien basse, bien profonde fait vibrer, entrer en résonance des parties de vous à la fois noires et lumineuses. Tout l’album devrait être inscrit au catalogue de la Sécu tellement il fait du bien. Mention spéciale à « Like Father Like Son » et à « I cried Today ».

L’album « James Grant and The Hallelujah Strings » peut aussi, non, doit s’utiliser allongé au sol, les yeux fermés, les pieds nus si on aime ça, avec le besoin de se laisser doucement envahir par une musique qui comprend, qui connaît l’état émotionnel dans lequel vous vous trouvez. On retrouve le cocktail Voix profonde/Arpèges cristallins/Cordes enveloppantes dans un rock classique avec des chansons qui parlent plus des échecs et des pertes que des soirées passées au bar à tomber soit par terre, soit des filles justes réduites à une fonction utilitaire pour gonfler l’ego ou dégonfler certaines turgescences…

Seize chansons, soixante-dix minutes pour panser quelques plaies douloureuses, pour se sentir un peu plus léger, pour reprendre confiance, pour vérifier une fois encore que la musique peut libérer de puissantes endorphines chez ceux qui savent écouter avec suffisamment de respect et d’attention.

Bonne écoute.

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