Pong Musical: Archie Lee Hooker And The Coast To Coast Blues Band – Chilling

Tous ceux qui ont eu la chance, ne serait-ce qu’une fois, de répéter dans un garage ou une grange, d’installer une batterie, des amplis, des rallonges, des câbles entre les amplis et éventuellement une table de mixage, de grogner parce que merde je comprends pas ça marche pas alors que tout est bien branché, j’ai vérifié, et alors un pote (parce que ces mecs là resteront autre chose que des copains, des amis, des connaissances, non, quand on vit ensemble ces moments particuliers ces mecs là resteront des potes pour très longtemps, ou disparaîtront de la circulation, mais on n’oublie pas ces potes là …), bref heureusement il y a toujours un pote un peu mieux câblé au niveau méninges qui viendra te câbler correctement dans la bonne prise, ou qui trouvera celle qui merde parmi toute la panoplie de pédales que tu branches en série si tu cherches à faire un son qui ressemble à rien alors qu’il suffit souvent d’un tout petit nombre d’effets pour bien sonner, voir de pas d’effet du tout, suffit de se brancher direct à l’ampli, de mettre tous les potards à 11, et tout va bien comme ça, bref tous ceux qui ont eu la chance de répéter dans un groupe savent que ça commence toujours comme ça, le batteur qui se chauffe un peu les poignets, le bassiste et le ou les guitaristes qui se chauffent un peu les phalanges, et le clavier si il y en a un, qui se chauffe les doigts parce que décidément fait pas chaud dans ce garage, mais c’est pas grave parce que les endorphines coulent déjà, et là il y a le Boss du groupe qui dit « Prêts ? », ou qui relève la tête et dans son regard on voit que ça va commencer très bientôt, et alors le batteur balance son rythme, un tour, et c’est parti, la grosse cavalerie est lâchée, ou alors la cavalerie légère, ça dépend de ce que vous aimez, mais tous ceux qui ont eu la chance de vivre ces moments seront dans le garage, calés dans un coin pour ne pas déranger, discrets, pas un mouvement, juste les oreilles et les yeux ouverts, parce que le Ping choisi par le Taquineur de truites fait référence à tous ces moments où une bande de Musiqueux décide de devenir un Groupe de Rock , à toutes ces heures passées à jouer ensemble, à tous ces morceaux qui commencent toujours de la même façon, il n’y a qu’à écouter cet album où chaque morceau semble avoir été enregistré en live dans un garage, il y a même le petit ronronnement sur « Coal Black Mattie », idem sur « Do The Romp », bref le Furventesque a encore fait un bon choix : je me suis posé dans un coin, j’ai fermé les yeux et j’ai vécu un bien bon moment d’hommage au Blues.

Le respect des pionniers du genre suinte des murs encore plus que l’humidité due à cet automne de merde où il a plu pendant quarante jours… Bon, OK, ici l’automne a été plutôt déréglé du genre température estivales et ciel bleu, mais les Black Keys vivent bien loin de nos contrées, et chez eux peut-être que l’automne a été particulièrement pluvieux, enfin moi j’ai bien le droit de l’imaginer comme ça si je veux, et puis en plus ça explique pourquoi les murs sont si humides. Mais, assis sagement dans mon coin, je n’ai pas été dérangé par l’humidité, j’étais trop content d’assister à ces répétitions où les gars se faisaient plaisir avec des morceaux qu’ils ont dû écouter des tonnes de fois sur des radios spécialisées dont le nom commençaient par W vu qu’Akron est une ville à l’est du Mississippi. Moi aussi j’écoute des radios, mais les miennes sont bien d’ici, et j’avais beaucoup aimé « Crawling Kingsnake » quand elle était dans la playlist de Chewbacca, mais je l’avais plutôt joué flemmard, je n’étais pas allé chercher l’album, peut-être que je me disais que le Creuseur de Tranchées rattraperait mes manquements et m’intimerait l’ordre d’aller écouter « Delta Kream », oui peut-être que je comptais sur lui, et j’avais bien raison parce que son Ping Musical ne m’a pas laissé le choix.

Tous ceux qui ont eu la chance, ne serait-ce qu’une fois, de répéter dans un garage ou une grange(non, ce n’est pas une erreur de copier/coller ou un truc du genre…) savent aussi que tu refais dix fois, vingt fois le même morceau, jamais exactement de la même façon, même si en apparence ça se ressemble beaucoup, et un jour ce morceau va avoir un petit quelque chose en plus, une alchimie qui arrive rarement, chacun est à sa juste place, chacun en fait ni trop ni trop peu, et les notes ont soudain une profonde légèreté, ou le juste poids, c’est comme vous voulez, chaque note a une raison aussi impérieuse d’être là que toi tu as une raison impérieuse d’être dans ce garage/grange… Chaque morceau de « Delta Kream » est de cette trempe là. Chaque morceau a une âme.

Tout comme ceux de l’album « Chilling » d’Archie Lee Hooker and The Coast To Coast Blues Band. J’ai découvert ce Monsieur une fois de plus par l’intermédiaire de Chewbacca. J’ai débuté par le second album, plus Soul que « Chilling », plein de cuivres, de lignes de basse bondissantes comme un troupeau de gazelles, de cris déchirants d’un vieil Hammond B3 et d’une guitare qui n’est pas en reste, et surtout plein d’énergie, qui m’a côtoyé tout l’été, le genre d’album qui te donne envie de marcher en sautillant, de bouger en rythme et gracieusement ce qui te sert habituellement à t’asseoir.

Archie Lee Hooker, ou l’histoire d’un type né le jour de Noël (tiens tiens…) il y a 73 ans qui a pour oncle le Légendaire John Lee Hooker, à côté duquel il s’imprègne de Blues pour enfin monter un groupe de pointures et sortir son premier album à la fin de la soixantaine… Juste le temps qu’il faut pour fumer assez de cigarettes et boire assez de Bourbon pour se chopper une voix comme la sienne. Plus vivre assez pour engranger assez de douleurs pour lui donner assez de profondeur et la faire vibrer.

« Chilling », premier album du jeune homme, est un pur album de Blues, mêlant hommage et modernité, où l’on passe d’un Talking Blues accompagné d’une Dobro, d’un harmonica ou d’une contrebasse, a des morceaux plus péchus, on passe du Blues joué sur les bottes de paille d’une vieille grange qui tient debout par miracle, à une petite salle à la scène minuscule et qui sent encore la cigarette et la sueur dégagée par les spectateurs et les musiciens. Et ce qu’il y a de magique avec le gars Archie, c’est que quel que soit le morceau tu as toujours l’impression qu’il est là, à quelques mètres de toi. De la musique simple et évidente. Des plans Blues entendus mille fois, mais c’est toujours du neuf. Et moi, des albums comme ça, je me les écoute en boucle . Encore et encore. Et ça fait du bien. Encore et encore.

Bonne écoute.

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