BD et harcèlement : quand la bande dessinée s’engage contre les violences et le sexisme #
La BD comme outil de prévention et d’éducation contre le harcèlement #
La bande dessinée s’impose comme un outil pédagogique privilégié pour aborder le harcèlement avec les jeunes, particulièrement au sein des établissements scolaires. Grâce à la mise en scène de situations vécues, telles que la diffusion d’images sans consentement ou l’exclusion sociale, elle permet de rendre visible l’invisible et de déclencher un véritable processus de réflexion collective.
- « La Jungle » de la MAE met en scène Manon, collégienne confrontée au cyberharcèlement : ce récit aborde sans détour le partage de photos intimes et ses conséquences sur la vie d’une adolescente. Sensibilisant directement les lecteurs aux risques liés au numérique, cette BD est adoptée dans de nombreux ateliers de prévention en France.
- « Le petit livre pour dire STOP au harcèlement », récemment publié, propose plusieurs bandes dessinées illustrant avec réalisme la pluralité des formes de harcèlement, des menaces à la manipulation psychologique. Chaque histoire fournit des outils de compréhension et des pistes pour agir, s’adressant aussi bien aux élèves qu’aux enseignants et aux familles.
À l’école Voltaire, à Montpellier, une initiative a réuni des classes de CE1 à CM2 autour d’un atelier où les élèves complètent les bulles d’une BD sur le harcèlement. Ce dispositif favorise l’identification, la réflexion collective et le passage à l’action. Les enfants apprennent à reconnaître les signes du harcèlement, à distinguer bourreau et victime, et à cerner les réactions adaptées[5].
Les dispositifs de médiation par la BD, associés aux campagnes officielles, contribuent donc à ancrer les notions de respect de la vie privée et de consentement dans la conscience des jeunes générations, en particulier dans une société où le numérique complexifie la gestion de l’intimité.
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Représentation du harcèlement dans les scénarios et choix graphiques #
La forme même de la bande dessinée offre une expérience immersive et émotionnelle forte, essentielle pour retranscrire la dureté et la complexité du harcèlement. Le choix des cadrages, la mise en page, l’usage de la lumière ou des couleurs participent à une restitution visuelle de la violence psychologique et physique subie.
- « GTO – Great Teacher Onizuka » illustre avec acuité l’ampleur du harcèlement scolaire au Japon : les auteurs y dépeignent des dynamiques de groupe, la peur de la dénonciation et les stratégies de résilience des personnages. Les graphismes accentuent la tension, les regards fuyants, et les scènes de confrontation.
- « Contrition » et « A Silent Voice » explorent la culpabilité du témoin ou de l’auteur, le silence assourdissant entourant la victime, et l’impact du regard des autres sur l’estime de soi. L’économie de dialogues dans certaines planches met en exergue le poids du non-dit, la solitude et la honte.
De nombreux récits intègrent des séquences subjectives, traduisant par le dessin l’anxiété, la détresse ou la dissociation vécues par les victimes. Les auteurs n’hésitent plus à souligner le consentement comme clé de lecture, à explorer la manipulation, l’humiliation publique ou la cyberviolence. Ce traitement graphique et narratif place le lecteur en position d’empathie, donnant du relief à la parole des victimes et questionnant la responsabilité de chacun.
La BD comme caisse de résonance des mouvements de lutte sociale #
Le neuvième art est devenu un véritable amplificateur des luttes sociales contre le harcèlement, sous l’impulsion de collectifs d’auteurs et autrices décidés à briser la loi du silence. Depuis plusieurs années, la libération de la parole s’illustre dans des ouvrages engagés et lors de prises de position publiques au sein du monde de la BD.
- En 2022, le collectif #MeTooBD a fédéré des centaines de dessinateurs et dessinatrices autour d’appels à témoignages, dénonçant le sexisme systémique et le harcèlement dans le secteur. Cette mobilisation s’est traduite par la publication d’albums, de tribunes collectives et de prises de parole lors des festivals majeurs du livre.
- Le mouvement « Paye ta bulle » concentre des témoignages de jeunes professionnelles sur les discriminations, les violences sexistes et le manque de reconnaissance. Les œuvres issues de ce mouvement sont à la fois documentaires, autobiographiques ou fictionnelles, et visent à déconstruire les stéréotypes et à encourager la solidarité.
Des initiatives telles que des campagnes de sensibilisation interprofessionnelles, des expositions thématiques et des tables rondes lors des festivals nourrissent la réflexion et poussent à l’action. La bande dessinée, par son mode d’expression direct et visuel, devient une force fédératrice. Cette dynamique enclenche un effet boule de neige qui dépasse le seul cadre artistique et touche la société tout entière.
Conséquences du harcèlement dans l’industrie de la bande dessinée #
Le harcèlement laisse des traces lourdes sur la santé mentale, la créativité et le parcours professionnel, surtout pour les jeunes auteurs et autrices, mais aussi pour l’ensemble des travailleurs du secteur de la BD. Les témoignages réunis sous des hashtags comme #MeTooBD ou lors d’enquêtes sectorielles soulignent les difficultés d’accès à des postes à responsabilités, l’isolement et la perte de confiance en soi.
- Le syndrome de l’imposteur frappe de nombreux artistes, en particulier les femmes, qui doutent de leur légitimité dans un univers traditionnellement masculin. Les discriminations ou les remarques sexistes récurrentes peuvent freiner l’épanouissement, voire provoquer des ruptures de carrière prématurées.
- Plusieurs autrices reconnues, comme Emma — connue pour ses bandes dessinées féministes — ou Mirion Malle, ont témoigné publiquement de la violence des pressions subies et de la nécessité de repenser l’accompagnement professionnel. Ces déclarations contribuent à visibiliser les obstacles et à déclencher une prise de conscience collective sur les besoins de soutien psychologique et de reconnaissance.
À travers des initiatives de mentorat, la création de cellules d’écoute ou des chartes éthiques, la filière s’organise progressivement pour lutter contre la reproduction des schémas toxiques. Toutefois, la persistance des freins structurels rappelle l’ampleur du chantier à mener pour garantir un espace de création sain, inclusif et respectueux.
Initiatives, ressources et pistes d’action via la BD #
De multiples initiatives émanent des institutions, des associations et des professionnels du secteur pour faire de la bande dessinée un levier de transformation concrète. Ateliers de création, publications pédagogiques, campagnes de communication et expositions itinérantes se multiplient pour répondre à la demande de sensibilisation et d’outillage contre le harcèlement.
- À la MAE, la BD « La Jungle » est intégrée à des programmes de prévention destinés aux collèges et lycées. Elle accompagne la prise de parole des jeunes, propose des fiches d’activité et s’inscrit dans un parcours éducatif global.
- Le CRAP-Cahiers pédagogiques a référencé plusieurs bandes dessinées servant de base à des débats, des jeux de rôle ou des jeux d’écriture en classe. Ces outils facilitent la déconstruction des stéréotypes et l’identification des mécanismes de harcèlement au sein du groupe.
- Les expositions « STOP au harcèlement » dans les médiathèques permettent de découvrir, à travers le parcours de personnages, les différentes facettes du problème, tout en valorisant l’expression artistique comme voie de résilience.
- Les plateformes en ligne telles que BDthèque recensent aujourd’hui plus de 47 séries traitant du harcèlement, qu’il soit scolaire, sexuel ou professionnel, dont « Blacklistée », « Manuel de survie face aux harceleurs » ou encore « A Silent Voice ».
Les ressources pédagogiques abondent, coordonnées par les éditeurs, les associations de parents et les collectivités. Elles mettent l’accent sur la libération de la parole, la prise en charge des victimes et la nécessité de la solidarité entre pairs. La BD, par son esthétique et son langage universel, permet d’engager des publics très variés, d’élaborer des stratégies de prévention collective et d’accompagner la reconstruction psychologique.
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Nous pensons que la bande dessinée s’affirme aujourd’hui comme un outil puissant pour informer, soigner et transformer le regard social sur le harcèlement. Les lecteurs, les professionnels de l’éducation et la société civile disposent désormais d’un éventail d’initiatives concrètes pour agir, informer et accompagner la lutte contre toutes les formes de violences et de sexisme.
Plan de l'article
- BD et harcèlement : quand la bande dessinée s’engage contre les violences et le sexisme
- La BD comme outil de prévention et d’éducation contre le harcèlement
- Représentation du harcèlement dans les scénarios et choix graphiques
- La BD comme caisse de résonance des mouvements de lutte sociale
- Conséquences du harcèlement dans l’industrie de la bande dessinée
- Initiatives, ressources et pistes d’action via la BD